Les auteurs réalisateurs

Col de Portel - Crédit photo Jêrome Hotta
No Pasaran

Eric Martin 
Sa page sur Unifrance
Emmanuel Caussé
Sa page sur Unifrance


Crédit photo Jérôme Hotta

Récompensés au Festival du Film de Luchon en 2006 pour "Les lettres de la Mer Rouge" diffusé sur Arte, Eric MARTIN et Emmanuel CAUSSE sont deux très grands réalisateurs...

D'ailleurs CANAL + sollicite régulièrement MARTIN pour son émission hebdomadaire du "Journal de GROLAND", et c'est France Télévisions qui a acheté avec eux les droits de diffusion après la sortie en salle courant 2009. Car il s'agit bien d'un film de cinéma dont la diffusion sera assurée sur très grand écran, un écran sur lequel nous allons voir nos chères Pyrénées Centrales comme nous ne les avons encore jamais vues...

MARTIN, le béarnais, et CAUSSÉ, le toulousain, sont des gars bien de chez nous, et c'est pour cela que leur premier long métrage destiné au cinéma pourrait être savouré comme un de ces chef-d'oeuvre rare, ou la poésie se mêle au burlesque, et le drame à la comédie...

Ce sont deux virtuoses qui vont nous divertir avec un bijou qu'ils polissent depuis plusieurs années, et pour lequel ils se sont attachés les compétences d'une équipe technique hors du commun, et d'une distribution artistique rare... Pensez donc, les planétaires Murray Head et Rossy de Palma, le talentueux "indigène palmé" Bernard Blancan, et ce formidable tandem, cette association hasardeuse et incertaine de ce couple exceptionnel forgé par les talents d'Élodie Navarre et Cyril Lecomte...

Scarlett et Maxence...Ce sont eux qui vont restés gravés dans notre mémoire, eux, si proches de notre propre chaos, au milieu de cette tempête, de cette tourmente... au milieu de nos propres tempêtes, et de nos propres tourmentes...

"No Pasaran, No Pasaran !", le mal ne passera pas, et c'est le bien qui triomphera, comme dans toute histoire d'amour, celle de Scarlett et de Maxence...

Jérôme Hotta


Entretien avec les réalisateurs de No Pasaran

Quel a été votre parcours avant de réaliser NO PASARAN ?
Eric Martin : J’ai commencé comme dessinateur satirique. J’ai rencontré Emmanuel à «Canicule», un fanzine interdit à l’époque par le Ministère de la Justice. Ensuite,j’ai créé mon propre journal Zoo dans lequel a travaillé le professeur Choron. Je lui ai consacré un documentaire. En fait, j’ai beaucoup baigné dans le milieu de la satire avant de m’attaquer à la réalisation. C’est une vraie soupape ! Depuis neuf ans j’écris régulièrement pour l’émission de télévision «Groland».

Emmanuel Caussé : J’ai travaillé pendant quinze ans sur des films publicitaires,de stagiaire régie à directeur de production. Puis, avec Eric, j’ai réalisé un courtmétrage intitulé LOCKED-IN-SYNDROME sélectionné dans beaucoup de festivals internationaux, dont treize aux États-Unis. Ensuite nous avons réalisé un téléfilm pour Arte (Letres De La Mer Rouge) sur les premiers voyages de l’aventurier-écrivain Henry de Monfreid.

Comment définiriez-vous NO PASARAN ?
EM : C’est un «sud-ouestern» avec des héros dopés à la graisse de canard !

EC : NO PASARAN reprend des ingrédients de certains westerns classiques : les «petits» qui défendent leurs terres en s’unissant contre les «gros», l’arrivée d’une femme venue d’ailleurs... Mais tout est ancré dans le terroir pyrénéen, porté par le langage de notre Sud-Ouest natal.

Dans quel état d’esprit avez-vous envisagé ce film ?

EM : L’idée, c’était de porter à l’écran des gens qu’on voit rarement au cinéma. Nos personnages (Maxence, Bouzigue et Inès), on les a côtoyés dans notre jeunesse.
C’est un mix de plusieurs personnes croisées dans les Pyrénées.

EC : En fait, la base est réaliste mais nous avons veillé à la décaler en permanence. Toutes proportions gardées, on peut parler d’Objet Filmique Non Identifié !

EM : Le côté fable du film s’est imposé naturellement. Quant à la farce, on est clients. On adore les comédies italiennes et on a essayé de tourner NO PASARAN dans cet esprit. Comme les personnages et l’histoire sont très ancrés dans le réel, on s’est amusé à parsemer le film de quelques pointes surréalistes. C’est le cas de la voix off qui revient à plusieurs reprises. On aime bien quand ça dérape, quand ça surprend le spectateur...

D’où est venue l’envie de raconter l’histoire d’un éleveur qui prend les armes ?

EM : Nous nous sommes inspirés des luttes écologiques hautes en couleur contre le creusement du tunnel du Somport et la construction d’une autoroute dans la vallée d’Aspe au début des années 90.

EC : Le personnage de Maxence est un anonyme, un gars simple noyé dans un délire qui le dépasse. Je préfère me pencher sur le combat d’un sans grade condamné d’avance que sur celui d’un nanti qui a des moyens pour se défendre.

Pourquoi réaliser une comédie plutôt qu’un drame social sur ce thème ?

EM : Une comédie peut aborder des problèmes de fond.

EC : ... Et le fond social est là, mais au moins le film n’est pas didactique. En mettant en image les gens de notre région, on ne pouvait que s’appuyer sur leur bonne humeur. Enfin, sauf quand la marmite déborde !

EM : Nos personnages sont tellement flamboyants qu’ils se prêtent plus naturellement à la comédie. Réaliser un drame avec eux aurait été impossible. Tout le monde aurait rigolé !

On retrouve l’accent chantant du Sud-Ouest dans NO PASARAN. Réaliser un film «sur» et «dans» les Pyrénées sans accent aurait été une hérésie ?

EC : Faire vivre des personnages dans le Sud-Ouest en les amputant de leur accent c’est plus qu’une hérésie : c’est une connerie !

EM : Dans NO PASARAN, seul le député-maire parle avec un accent neutre. Cela arrive souvent lorsque les hommes politiques de cette région montent à Paris. Ils gomment leur accent, consciemment ou pas, pour mieux passer devant les caméras !

Les Pyrénées sont-elles votre «Madeleine de Proust» ?

EM : Je ne dirais pas que ça fait partie de mes racines car comme disait le professeur Choron : «Il n’y a que les légumes qui ont des racines !». Mais, on a le caractère pyrénéen ancré en nous : on est bouillants, sanguins, on aime le rugby, déconner et faire la fête !

EC : Il n’y a rien de plus magique que de voir la barre pyrénéenne depuis les coteaux toulousains ! En plus, mes grands-parents vivaient en Ariège.

Comment le tournage a-t-il été accueilli dans la région ?

EC : En choisissant de tourner dans l’Ariège pour des critères  esthétiques, nous avons mis, sans le savoir, les pieds dans le plat ! La production a reçu un coup de fil des Renseignements Généraux qui voulaient savoir comment nous avions eu connaissance du projet d’autoroute. Le Président du Conseil Général de l’Ariège a même voulu nous interdire de tourner sur «ses routes». Un projet autoroutier Amsterdam-Barcelone traversant la vallée d’Ax-les-Thermes est en gestation avancée. Ça va chauffer !

Que vous inspire cette réplique du député-maire du film : «Ce qui tue notre vallée c’est son enclavement» ?

EM : Certes, une vallée enclavée peut mourir rapidement. Quand il n’y a pas de travail et peu d’avenir, les gens partent gagner leur vie dans les grandes villes. Le problème, c’est qu’une route n’a jamais désenclavé une vallée ! Pourquoi les automobilistes qui rêvent de rejoindre l’Espagne au plus vite s’arrêteraient dans des villages pour acheter du fromage de brebis ? Dans la vallée d’Aspe, la route n’a créé aucun emploi. Ceux qui pensaient faire des affaires en montant des restaurants au bord du tracé initial se sont retrouvés le bec dans l’eau lorsque la route, qui a changé de parcours, a été construite à des centaines de mètres de leur commerce.

Le film parle d’amour impossible, d’art, de politique et d’écologie. Vouliez-vous traiter plusieurs histoires parallèles ?

EM : Il parle de tout ce qui nous intéresse dans la vie. D’art, parce qu’on peut égratigner au passage les gens qui se prétendent artistes. Maxence, Bouzigue et Inès sont, de par leur combat, plus poètes que Scarlett, la peintre New-Yorkaise. De politique, parce qu’elle dirige nos vies et qu’on ne comprend toujours pas pourquoi les élus trouvent facilement des millions d’euros pour construire des autoroutes alors qu’il n’y a jamais d’argent pour les hôpitaux, la culture ou l’éducation. D’écologie, parce que si on ne change pas nos habitudes de vie le monde va vite partir en cacahuètes...

Avez-vous pu vous lâcher comme vous le souhaitiez côté humour et délires ?

EM : Je dirais oui et non ! On a tendance à aller naturellement vers un humour plus trash. Mais ça ne correspondait pas à l’ambiance du film et à l’univers qu’on décrit.Des scènes qui nous paraissaient drôles à l’écriture ont été coupées au montage. Il y avait par exemple dans la scène du marché, un musicien qui se prenait un jambon en pleine figure. C’était trop facile, trop potache.

D’où vient ce sens de la réplique qui tue, largement présent dans le film ?

EM : De notre revolver à vannes ! Et niveau conneries, il est bien chargé !!

EC : En fait, après quatorze versions de scénario, on a eu le temps de peaufiner les répliques !

A-t-il été difficile de trouver un producteur avec une comédie aussi hors norme ?

EM : Pierre Javaux a tout de suite été emballé par le scénario.

EC : Il a porté le projet sur ses épaules contre vents et marées...

EM : Le plus dur a été de rendre crédibles les personnages. On ne voulait pas qu’ils soient interprétés par des acteurs parisiens qui imitent l’accent du Sud-ouest.
Bernard Blancan est Béarnais : il a cette musicalité dans la tête. Cyril Lecomte est Marseillais mais il a très vite capté le truc. Idem pour Jacques Serres et Roger Souza qui sont originaires de Toulouse.

Faire tourner des acteurs locaux non professionnels allait dans ce sens ?

EC : Dans ce genre de film, faire l’impasse sur les acteurs non-professionnels est impossible car il existe des «figures» qui ne s’incarnent pas.

EM : D’ailleurs, on a eu de sacrées surprises. Quand on a tourné la scène de la dame qui malmène le maire (Didier Pain) dans son bureau, on ne savait pas du tout ce que ça allait donner. On a été bluffé au montage. Le contraste entre eux deux est saisissant !

Comment Cyril Lecomte s’est-il imposé pour le rôle principal ?

EM : Notre producteur nous a montré TRAVAIL D’ARABE, dans lequel Cyril a joué. Après avoir visionné le film, on savait que c’était lui qu’on voulait !

EC : On l’a rencontré mais on était loin d’imaginer le travail qu’il a fait pour donner vie au personnage de Maxence. C’est un vrai rôle de composition !

EM : Dans la vie, Cyril a plutôt un côté italien, latin lover. Mais dès qu’on criait «moteur !» je voyais son visage se transformer du tout au tout. Il changeait physiquement. Lors d’une projection du film, une amie m’a demandé si on avait pris un vrai éleveur pyrénéen pour le rôle. Il n’y a pas de meilleur compliment !

Le rôle d’Inès, l’éco-terroriste, a-t-il été écrit pour Rossy de Palma ?

EC : Non. Mais en voyant le film tout porte à le croire. Rossy, c’est le talent incarné. Elle peut tout faire !

EM : En dehors de Rossy, qui pouvait interpréter une furie comme Inès ?! Dès sa première réplique sur le plateau, tout le monde était plié de rire. Elle dégage une énergie phénoménale. D’ailleurs, je l’appelais souvent Inès en dehors des prises. Elle me faisait flipper avec ses airs de dingue et sa coupe afro.

Pourquoi avoir choisi Murray Head et Elodie Navarre pour jouer des Américains ?

EC : C’était compliqué de travailler avec des acteurs américains : on ne vit pas dans le même monde cinématographique.

EM : En ce qui concerne Elodie, on l’avait déjà dirigée dans notre téléfilm Letres De La Mer Rouge. Elle nous avait scotchés. Elle a donc rempilé. On savait qu’elle avait une palette assez large pour jouer Scarlett. Elle est comme Cyril Lecomte, Bernard Blancan ou Rossy de Palma : tu branches la caméra et tu ne la reconnais plus !

EC : Quant à Murray Head, on l’a choisi pour sa belle gueule et son charme anglosaxon. En plus, il vit dans les Pyrénées !

EM : Un jour je l’ai vu dans un journal télévisé sur France 2. Je me suis dit : «Lui, c’est Peter Konchelsky !». Il est encore plus dingue dans la vie que son personnage. C’est un Gallois qui vous démonte l’épaule quand il vous serre la main ou vous défonce les joues quand il vous embrasse. Une vraie force de la nature ! Le tournage n’a pas toujours été facile pour lui car son texte était très écrit et il fallait qu’il mémorise des subtilités pas toujours évidentes pour un Anglais !

Quelle a été la réaction des acteurs après la lecture du scénario ?

EM : J’imagine quelque chose du genre : «C’est qui ces deux crétins qui ont écrit cette histoire de tarés ?».

EC : Et ils ont tout de suite voulu connaître le montant de leurs émoluments !

Avez-vous eu une pression énorme sur les épaules en tant que réalisateurs d’un premier long métrage ?

EC : Non. La seule pression a été l’attente pour obtenir le financement du film.

EM : Durant la préparation, il a fallu se battre pour tout : le casting, les costumes, bref, imposer notre vision du film.

EC : Du coup, le tournage et la post-production sont arrivés comme une libération car dès qu’on a commencé à tourner, personne n’est venu nous dire comment réaliser le film.

Quels ont été vos principaux obstacles et challenges lors du tournage ?

EC : Pas grand-chose en dehors d’avoir dû tourner vite faute de moyens hollywoodiens.

EM : Mais on n’a rien lâché. Parfois, l’urgence nous a même fait gagner en inventivité.

Quelles ont été vos références cinématographiques pour ce film ?

EM : Tout le monde va se marrer si je dis Sergio Leone !

EC : En fait, on est passionnés par son travail. Mais restons modestes : de là à en faire une référence, il y a quand même un monde.

EM : On n’arrive pas à la hauteur de son petit doigt de pied ! J’ai revu dernièrement IL ÉTAIT UNE FOIS EN AMÉRIQUE : dur, dur de tourner un film quand on voit un chef d’oeuvre pareil. On se sent petit, tout minable à côté. Mais c’est le genre de cinéma qu’on aime...

Quels ont été vos choix artistiques en matière d’image ?

EC : On voulait une image contrastée et saturée qui permette de décrocher de la réalité. On a aussi veillé à ce que la montagne soit présente dans tout le film. C’est un personnage à part entière. Mais il n’était pas question de tomber dans le piège de la carte postale.

On dit toujours que le pire pour un réalisateur c’est de faire jouer des animaux. Vous avez utilisé un cochon, un ours, une palombe et un molosse. Comment cela s’est-il passé ?

EM : On a cru qu’on allait galérer. En fait, pas du tout ! Le cochon a été choisi car il a été le premier à se ruer sur l’objectif de l’appareil photo lors du casting.Il a poussé les femelles pour qu’on ne voit que lui ! Il a été d’un calme et d’un professionnalisme ahurissant. Ça a été pareil pour les autres animaux : de vraies starlettes. Sur le plateau, il ne leur manquait qu’un peignoir et un siège avec leur nom.

Pour reprendre une des expressions phares du film, peut-on dire de NO PASARAN que c’est un film de «gaillards» ?

EM : C’est un film qui ragaillardit ! On en ressort comme si on avait pris une vraie bouffée d’air frais. Si vous n’êtes pas en forme, pas la peine de faire une cure thermale dans les Pyrénées. Allez voir NO PASARAN : c’est plus efficace !


La plaquette de présentation du film


Petit lexique :

Gaillard (adj.) : robuste, solide. ; n.m. : homme plein de vigueur

Couillonner : rouler, arnaquer, de l’occitan «colhonar».
(Tu t’es encore fait couillonner par un client !)

Péïzoùs (n.m.) : agriculteur, péquenot.
(A Coueilles, c’est que des péïzoùs !)

Gnognote (n.f.) : chose sans valeur, bagatelle.
(Je peux te dire que les galipettes de Paris Hilton, à côté , ce sera de la gnognotte, con !)

Mouscaille (n.f.) :
situation difficile, embarrassante, surtout pécuniairement.

Oh con ! : expression de surprise.

Cèpe : imbécile, plouc
(Oh, tu nous prends pour des cèpes ou quoi ?)

Kéké : vient de l’occitan cacou (variantes : cagou, quèque, cake) : voyou , puis frimeur.
(Tu fais le kéké là mais... En fait... Elle te fait peur !)

Carafon : tête, crâne
(Foutons des coups de carafon quand il faut les foutre !)

Dépéguer : en occitan «pega», la poix, la colle. Dans le parler régional, cela donne la pègue.
(Te laisse pas abattre Maxence... Je vais te dépéguer de cette nasse...)

S’arsouiller : s’alcooliser, s’enivrer, se saouler.
(Personne ne s’arsouille avant la réunion !)

Mélasse : situation difficile, pénible, ou inextricable.
(Pff, ben moi j’y comprends rien à votre mélasse...)